La première fois que mon inquiète de Mère, a fait allusion à cette petite voix, cela se passait peu de temps après la disparition de mon brave homme de père. J'ai simplement pensé que le choc en retour en était responsable. Que cette manifestation avait pour cause cette difficile séparation et je ne voyais là qu'un très léger dysfonctionnement. Je reconnais, aujourd'hui, que ce signe avant coureur de désagréments plus graves ne déclencha pas en moi d'alerte rouge et j'avoue même avoir zappé facilement cet épisode !
Maman s'était donc retrouvée un peu perdue, c'est vrai, dans sa maison devenue subitement trop grande mais toujours en compagnie de sa sœur ainée Marthe .Ma tante, Marthe, était célibataire dynamique mais sourde comme un pot, très mal appareillé .C'est vrai que certains jours leur cohabitation n'étaient pas particulièrement harmonieuse mais, même si les crises étaient nombreuses, elles n'étaient jamais bien graves. C'était en quelque sorte un spectacle folklorique épisodique, incontournable.
Notre maison familiale de Cahors, située non loin du Pont Valentré , sans offrir un très grand confort, ouvrait sur un grand jardin qui la rendait agréable voire attachante et je nourrissais l'espoir qu'elles pourraient, avec l'assistance d'une aide ménagère, éviter le plus longtemps possible d'entrer en maison de retraite .
Mais l'absence de Papa devait se faire rapidement sentir. C'était lui qui animait cette petite troupe. S'il faisait les courses il n'hésitait pas non plus à mettre la main à la pâte dans toutes sortes d'activités . Rapidement son absence révéla un vide important.
C'est vrai qu'à la fin de sa vie il a beaucoup donné, le père !
Ce qui est également vrai c'est qu'à l'approche de ce bouleversement douloureux, Moi, le fils unique "Zombi 1er" je n'ai rien vu venir! Pourtant les propos de mon père ne pouvaient pas être plus limpides .Lorsqu'il profita de l'un de mes passages pour courir les magasins afin de trouver une remplaçante à la vieille machine à laver et qu'il acheta aussi un réfrigérateur congélateur de grande capacité, en me déclarant " c'est pour leur faciliter la vie quand je ne serais plus là"! Moi, totalement "englué" dans mes problèmes professionnels je me suis contenté de le taquiner gentiment...
J'étais en Chine lorsque mon épouse Yveline m'annonça que si je voulais revoir mon père vivant je devais rentrer immédiatement! Ce n'était pas si simple ! Nous convenions d'un rendez-vous téléphonique pour le lendemain. J'aurais alors rallié Hong Kong et la solution serait peut-être plus aisée à trouver? Mais cela se révéla faux! Je n'ai pas trouvé de place sur un vol direct à destination de Paris et finalement je dus me résoudre à changer trois fois d'avion en réalisant une sorte de tour du monde un peu fou !
Je n'ai certes pas beaucoup dormi la nuit qui a précédé mon départ, j'étais un peu sonné. Dans quel hôtel ai-je passé ma dernière nuit en Chine? Je ne m'en souviens plus mais par contre je n'ai pas oublié ma visite au port dans le petit matin blême juste avant de gagner l'aéroport. C'était au moment précis ou les ferry crachaient de formidables cargaisons de "chinois rouges" qui venaient travailler à Hong Kong. Il y en avait tant et ils étaient si pressés qu'un frisson me parcourut . J'eus l'impression désagréable d'être transformé en un minuscule grain de riz. Un peu étonné je m'entendis déclarer à voix haute " vont-ils me bouffer ? " Cela fit sourire mon ami Jean qui avait pris l'initiative de m'accompagner à l'aéroport! A cette époque lointaine je ne portais pas de lunette mais comme il faut bien un début à tout je constatais une fois dans l'avion que ma vue était brouillée et que la lecture des journaux m'était impossible. De ce terrible voyage de retour ma mémoire a enregistré les plus petits détails...
A suivre