… C’était encore dans le cadre de l’ancienne dialyse qui me
rappelle des souvenirs mitigés, je n’avais à cette époque aucune expérience de
ce type. Je découvrais un monde qui m’était étranger, je rêvais encore un petit
peu ! Il est clair que je voyais, surtout, le répit qui m’était offert et
pas encore tout ce que çà impliquait comme complications et de renoncements
dans ma vie au quotidien…
Lorsque j’ai plongé en dialyse je me considérais comme un homme normal même
si je savais, depuis longtemps, que je
souffrais d’une insuffisance rénale. Je
marchais, je chantais parfois, mais je parlais toujours normalement, sans assistance.
C’est à cette époque que nous fûmes transférés à la nouvelle
dialyse dont nous avions entendus parler mais dont nous ne savions pas grand-chose! Pour moi ce fût un véritable choc qui eut pour effet de me faire régresser à vitesse
accélérée, j’en suis intimement persuadé ! A mon entrée dans ce tunnel, le
claustrophobe qui sommeillait en moi
actionna le signal d’alarme. Ce truc a été conçu par des maniaques de la double peine, astreindre
des patients à qui l’on est censé offrir un supplément de vie me semblait très
gonflé de nous parquer, sans autre choix possible, au purgatoire dans une sorte
de grotte truffée de technologie plus ou moins nouvelle. J’étais en révolte, qui dans cette société de débiles avait eu le
courage de condamner des pauvres ères à un tel traitement et je m’entendis même hurler « Je ne
veux pas crever ici » ! Beaucoup de temps a passé et je suis toujours
là, mais toujours déterminé à me tirer de ce centre de pèlerinage où l’on ne recense
aucun miracle.
C’est en état de morosité avancé que j’aborde ma séance de ce mercredi 23/04/2014, à mon entrée
dans la grotte avec un léger retard sur l’horaire prévue je note une activité importante
pour cette heure ! Comme chaque jour l’on chatouille les fistules « au
bonheur la chance » même si toutes les opératrices sont labellisées. Je suis
conduit au fond du boyau, la zone de non droits où l’on me jette dans un lit sans potence ce qui
implique zéro mouvement durant la durée de la séance. Un, deux, trois jeunes
personnes gravitent autour de mon lit, très afférées, elles disparaissent tout
aussi mystérieusement laissant derrières elles un léger babillage. Puis la
préposée à la séance de banderilles intervient sans chercher le contact. Elle
doit savoir que parler est difficile pour moi, alors elle fait l’impasse des
civilités pour m’épargner ? Le geste est précis et la séance est menée
prestement sans aucune mauvaise surprise. Mon intervenante serait-elle une pro de
la lancette ou s’agit-il, plus simplement, de son jour de chance dont je partage
les effets positifs, dans le silence le plus strict .Me voilà parti pour une longue attente qui débute bien, je constate
que la sonnette qui permet de solliciter de l’aide mais aussi de moduler l’éclairage,
se trouve hors de ma portée, mon intervenante s’est envolée , je la vois prés
de la sortie de la grotte, elle marche vers la lumière. C’est fou le temps consacré
à l’attente dans ce Centre, à croire que l’on est ici, pour apprendre l’humilité et la patience! Pour tuer le temps j’envisage une incursion
sur la télévision mais je constate que je ne dispose pas non plus de télécommande,
je remarque aussi que mon écran est mal positionné donc j’étais assuré de
bénéficier d’une image lamentable. L’on fera un essai un peu plus tard ? J’ai
noté qu’il existe ici une spécialiste de la télécommande qui vous demande :
qu’elle chaîne voulez-vous ? Elle se tire en un éclair en emportant la
précieuse télécommande et vous voilà condamné à rester bloqué sur un programme
débile avec en plus une image désastreuse et l’on a plus qu’à guetter son
prochain passage. Je n’ai rien vu, ai-je dormi, peut-être ? Mon
intervenante ayant réapparu je lui pose ma
question : pour avoir la télé comment s’y prendre ? Elle se lance sur
le circuit de la grotte et réapparaît avec en main une télécommande totalement inefficace.
Mon expérience télévision tourne court
dans un centre ou la technologie est dominante.
C’est dur d’être dans
un lit sans pouvoir bouger et même se gratter, lorsque la gratouille s’affole
çà tiens du supplice et si l’on pette les plombs c’est dans l’indifférence
générale.
Et lorsque le robot
égrena ses sonneries mon intervenante était en mission extérieure et moi j’avais
atteint la limite supérieure du
supportable, ce qui ne l’empêcha pas d’arriver à petits pas tranquille. Elle me
retira mes aiguilles avec pour seul
échange : bande ou compresse, je répondis compresses et en échos à ma
réponse elle lâcha bande ce m’obligeât à rectifier en articulant du mieux
possible : compresses ! Pendant le temps de la compression elle me
tourna le dos et laissa ses yeux rivés sur la pendule.
La conclusion de cette aventure fut l’ultime phrase prononcée par ma soignante : On va vas à la
piscine à qu’elle heure demain ?
Je n’ai pas cru un seul instant que la question s’adressait à
moi ?
Au final une séance de dialyse dans toute sa normalité, ce
qui laisse, tout de même, un peu de place au doute.